Équipements du cavalier

Les culottes

Texte extrait du livre  » La Cavalerie de la Garde Républicaine  » du Colonel Jean-Louis Salvaldor (2007-Éditions Belin), reproduit avec l’aimable autorisation de l’auteur.

La culotte trouve dans l’expression populaire une place particulière. Ne dit-on pas d’une femme autoritaire, qui prend les décisions du couple, qu’elle porte la culotte, d’un homme malheureux au jeu qu’il a pris une culotte ou d’un affront qu’il est bien culotté ? Il est vrai que la culotte est un effet d’uniforme important tant il conditionne le confort du cavalier au quotidien. Que le cavalier qui est monté plusieurs heures avec un pli à sa culotte, notamment au genou, me jette la première pierre !


La Garde utilise deux types de culotte :

  • La culotte bleu gendarme à bande noire, utilisée pour tous les services courants ;
  • La culotte blanche, utilisée systématiquement en présence du chef de l’Etat ou
    lorsqu’un chef d’Etat étranger est en visite officielle à Paris.

Un constat s’impose : il devient très difficile de se faire confectionner une culotte sur mesure digne de ce nom, car un bon maître tailleur n’est pas forcément un bon culottier. Les deux derniers qui ont marqué la profession sur la place de Paris étaient Talon et Olivier de Passy qui a culotté la Garde et le Cadre noir pendant plus de vingt-cinq ans. Actuellement, la confection des culottes de la Garde est l’objet d’un marché trisannuel. Nos anciens portaient la culotte en whipcord à la Saumur.

Naturellement, nous nous moquions de leurs grandes oreilles qui, par jour de grand vent, les apparentaient à des éléphants d’Asie (soyons charitables !). Ma génération portait le demi-Saumur ; aujourd’hui, sous l’effet de la mode conjugué à ‘attrait de la compétition sportive, nos jeunes sous-officiers porteraient volontiers des fuseaux.

La difficulté de la confection de la culotte réside moins dans sa coupe que dans la pose de la bande noire. En effet, celle-ci, initiée latéralement, repliée et cousue sur ses bordures, doit tourner et passer sur le genou. On peut supposer que cette difficulté a pris une large part dans l’abandon du port de la double bande pour officier, à l’instar du « pantalon droit ».

Nos grands anciens portaient la culotte en peau passée au blanc
d’Espagne2; contrairement à ce que l’on pourrait croire, elle n’était pas très
confortable en raison de son épaisseur et d’immanquables plis. Les
horses-guards en sont toujours dotés. Ensuite vint l’ère du whipcord3 et du coton. Autre particularité, la culotte blanche est équipée d’un grand pont4, seule garantie d’une coupe impeccable. Les plus distingués se faisaient confectionner des culottes bleues à petit pont. Nos gradés nous parlaient avec émotion de « l’époque du Grand Charles » où les culottes blanches n’avaient pas le temps de sécher.

Par ailleurs, les culottes destinées aux sous-officiers à cheval portaient des olives5 (ou bazanes) et celles destinées aux sous-officiers à pied en étaient dépourvues. La culotte en coton présentait un grand avantage : celui de pouvoir bouillir dans une eau additionnée de javel qui venait à bout de toute trace. En revanche, le fil des coutures était attaqué tout autant que les taches, et la hantise du garde était de craquer sa culotte du genou à l’entrejambe à l’occasion du montoir, surtout si sa monture avoisinait 1,80 mètre au garrot. Il trouvait toujours à la maison une bordure appropriée ou un tabouret compatissant, mais combien sont rentrés des Champs-Elysées très ventés par leur devant ? Il serait dommage aujourd’hui de se priver du confort apporté par l’élastiss.

Cependant, les limites de l’exercice ont pu être appréciés pour le 14 juillet 2001, date mémorable puisque nous recevions la Garde royale espagnole pour défiler à Paris et parce qu’un imprudent avait ajouté « ça s’arroses ! ». Il plut tout autant que le 14 juillet 1976, sans discontinuer, pendant toute la durée du service. Nos culottes étaient aux couleurs de la France ; on y voyait le rouge de l’escot, le tanin des selles et le cirage des bottes.

Le commandement fut obligé de faire confectionner 280 culottes neuves afin que les militaires soient présentables à la prise d’arme du président de la République en octobre aux Invalides. Enfin, mais est-il utile de le préciser, une culotte se porte taille haute et avec bretelles, à boutons de préférences ; c’est encore la seule façon que l’on ait trouvé de ne pas se les faire remonter !