Le chef d’escadron Gaston Merlhe

Né à Bannalec (Finistère), le 24 octobre 1884, d’un père gendarme, Gaston Merlhe est l’aîné de cinq enfants, « tous élevés avec rigueur et sévérité ». Après des études primaires couronnées par un succès au certificat d’études, il entre à douze ans à l’École des enfants de troupes d’Autun (Saône-et-Loire), où il est considéré comme un bon élève sous tous rapports. Le 18 octobre 1902, il s’engage pour cinq ans dans la cavalerie et est incorporé au sein du 1er escadron du 21eme régiment de Dragons. Détaché comme «porte- fanion» du général Davignon, commandant le 1er corps d’armée en 1909, il réintègre son régiment en 1911. Il décide de rejoindre la gendarmerie et rejoint la légion de la Garde républicaine, avec le grade de maréchal des logis, en décembre 1913. Affecté au quartier des Célestins à Paris, il prête serment le 21 mars 1914 devant le tribunal de premier
Lorsque la grande guerre éclate, il se porte volontaire pour aller combattre sur le front, mais ne part pas immédiatement. En 1916, alors que l’aviation est en plein essor et cherche des volontaires, il obtient son détachement au centre d’aviation de Dijon le 9 mars 1916. Le 4 avril il fait son premier vol et obtient à la fin du mois de juillet son brevet d’aviateur militaire après trente heures et vingt minutes de vol. En août 1916, il est envoyé à l’École de perfectionnement de Châteauroux pendant trois semaines. Le 1er septembre, il rejoint le Groupe de divisions d’en- traînement et vole sur Farman HF7, avant de passer sur Caudron G4 bimoteurs. Particulière- ment doué, Merlhe est décrit comme un « très bon pilote apte à toutes les missions ». Affecté à l’escadrille C 105 Secteur 8, nommé adjudant des troupes aéronautiques le 31 octobre 1916, il effectue son premier vol au-dessus des lignes allemandes, le 4 novembre suivant. Une semaine plus tard, il mène son premier combat contre un avion ennemi qui, complètement dé- semparé, doit regagner ses lignes. Le 1er décembre, il est pris dans un combat aérien où il met son adversaire en fuite. Le 26 janvier 1917, il récidive malgré les treize balles reçues par son appareil. Cette action d’éclat lui vaut une citation à l’ordre du corps d’armée, ainsi que l’attribu- tion de la croix de guerre et montre aussi l’abnégation et le sang-froid de ce gendarme au par- cours peu ordinaire.
Fin février, l’adjudant Merlhe est affecté à l’escadrille C 106 Secteur 155, devenue par la suite C 229, puis BR 229. Le 12 avril 1917, il exécute un réglage d’artillerie au cours d’une violente tempête et reçoit, pour cet acte d’un incroyable courage, une nou- velle citation à l’ordre du corps d’armée. Le 21 avril 1917, il est décoré de la médaille militaire pour le motif suivant: « Pilote plein d’ardeur et d’entrain. Venu volontairement dans l’aviation, y a rendu d’excellents ser- vices par son zèle et son dévouement ». Le 1er août, il est cité à l’ordre de l’armée pour plusieurs actions d’éclat. Par la suite, il alterne les missions d’observation, de reconnaissance, de réglage d’artillerie et de combat.
Nommé sous-lieutenant à la 1ere légion de gendarmerie, le 8 juillet 1917, il continue de servir dans l’aviation. Le 18 février 1918, il mène un dixième combat contre un avion de chasse en- nemi de type Albatros, qui est contraint d’abandonner le combat. Quatre mois plus tard, lors d’une mission photographique opérée à l’altitude de 6 100 mètres, son observateur, le lieutenant Petit, a la figure et les mains gelées. Malgré les conditions extrêmes, il fait preuve d’une ténacité peu commune et mène à bien sa mission. Le 22 août 1918, en récompense des multiples mis- sions de reconnaissance qu’il a conduit en territoire ennemi, Gaston Merlhe est cité une deu- xième fois à l’ordre de l’armée. Atteint d’une phlébite à la jambe droite, consécutive à une blessure infligée lors d’un accident aérien au retour d’un combat, Merlhe demande la fin de son détachement dans l’aviation. Après son séjour à l’hôpital et sa convalescence, il est remis à la disposition de la gendarmerie le 31 mai 1919. Bien que son nom ne fasse pas partie de la liste officielle des As, le sous-lieutenant Merlhe peut s’enorgueillir de son service dans l’aéronautique. Promu lieutenant à sa sortie de l’École des élèves officiers de Versailles, il est affecté à Haze- brouck où il reste jusqu’en 1921. Rapidement, Gaston Merlhe aspire à connaître de nouveaux horizons et demande à servir dans les Colonies. Le 12 décembre 1921, il est désigné pour pren- dre le commandement du détachement de gendarmerie du Sénégal. Gaston Merlhe y demeure vingt ans, s’y mariant en 1924 et devenant père l’année suivante. Au cours de ce séjour, Merlhe, s’adaptant avec beaucoup de facilité à la culture africaine, donne à son unité l’impulsion et le développement qui ont affirmé le prestige de la gendarmerie dans cette colonie. Il étend les attributions de l’institution, accroît son réseau de brigades qui, du Sénégal, déborde progressivement sur le Soudan français (actuel Mali) et la Guinée. S’inspirant du maréchal Lyautey selon lequel la gendarmerie « doit non seulement faire du ser- vice mais également rendre service », Merlhe confie à ses hommes de nouvelles fonctions : régisseurs de prison, collecteurs d’impôts, percepteurs des droits de place ou officiers d’état- civil. Promu capitaine en 1926, Merlhe est distingué de la Médaille de bronze des Epidémies, en récompense de son activité infatigable lors de l’épidémie de fièvre jaune de 1927. En 1928, Merlhe crée un groupe mobile à cheval, dont le recrutement s’opère parmi les cavaliers de l’escadron des spahis sénégalais, tout juste dissous. Chargée des services d’honneur et de maintenir l’ordre, cette Garde rouge, troupe d’élite revêtue de la tunique écarlate avec aiguil- lettes, sarroual de drap bleu, bottes souples de cuir rouge et haute chéchia pourpre sommée de la grenade d’or, est encore aujourd’hui une des pièces maîtresses du décorum officiel dakarois. Chef d’escadron en 1936, Merlhe, toujours à Dakar en 1939, voit sa demande pour aller se battre en métropole rejetée en raison de son âge et de ses blessures. Il est finalement démobilisé en 1941. Preuve de son prestige, son départ provoque des démissions en masse parmi ses subor- donnés.

Après vingt années sénégalaises, il ne peut se résoudre à quitter cette terre d’Afrique qu’il a tant aimée. Il organise les gardes cercles et en devient inspecteur principal. Grâce à ses qualités d’organisation, il fait de nouveau des miracles avec peu de moyens en construisant des caserne- ments et en donnant une structure solide à cette troupe. Sans empiéter sur les missions de la gendarmerie coloniale, les gardes cercles, le «cercle» étant en quelque sorte la province géographique de l’administrateur, exercent des missions de police civile, de maintien de l’ordre et de sécurité publique. Rapidement, Merlhe perçoit que le statut civil de cette force pose des problèmes de fonctionnement. Il obtient en 1948 l’encadrement de cette police par la gendarmerie, permettant de renforcer l’efficacité de ce corps, totalement re- militarisé en 1957 et appelé «gardes territoriales». Il reste aux gardes cercles jusqu’au 1er août 1948, date d’expiration de son contrat. Il ne quitte pas le Sénégal et, sur sa demande, est nommé, le 16 août 1948, juge de paix à Kolda (Casamance), où il est respecté et résout facilement de nombreux litiges. Officier de la Légion d’honneur, médaillé militaire, commandeur de l’Etoile noire du Bénin, il s’éteint le 14 septembre 1951, à soixante-sept ans, et est inhumé dans le petit cimetière de Kolda en tenue, avec son sabre.

Soixante ans après sa mort, Gaston Merlhe est toujours honoré par la Garde républicaine. Son souvenir est perpétué et transmis aux jeunes générations. Une vitrine lui est ainsi dédiée au sein de la salle d’honneur et de traditions du corps au quartier des Célestins, à Paris.